SAMEDI, 18h56, IL Y A DEUX ANS

Je marchais lentement dans la ruelle de chez moi, revenant de ma terrible journée de lycée. Dernière année et cependant tant de boulot. Je n'en pouvais plus, je voulais partir et rester à la fois. La vision de ma mère pleurant à chaudes larmes et mon père lui tapotant le dos pour la réconforter montait dans ma conscience et me laissait dire ce qu'adviendrait le futur. Pour le moment, j'étais là, à marcher et à trainer dans la rue qui se faisait de plus en plus sombre. J'entendis un bruit sourd derrière moi et je me retournais instinctivement vers l'endroit du bruitage. J'eus un frisson, ne voyant personne je continuais ma route petit à petit, le coeur lourd de peur. Puis le bruit retentit à nouveau. Je sursautais cette fois-ci et une silhouette noir s'approchait peu à peu.

La peur m'envahit, je restais figée alors que l'inconnu avançait dans la direction. Je tremblais de ton mon corps restant encore et toujours figée. Je ne pouvais bouger, j'étais paralysée par la peur, par l'envie de fuir mais par la peur surtout. Une main se posa sur mon épaule, derrière moi et je sursautais, les yeux pleins de larmes. La peur qui m'avait soudain envahi jaillissait de moi en des flots de larmes. Puis son visage me rappela quelqu'un et je me blottissais contre la poitrine de mon bel inconnu.

INCONNU •• Sanae !? Tu vas bien ? Désolé je t'ai fait peur.
SANAE •• C'est pas grave, Matsuyama, je...
MATSUYAMA •• Chut, je suis là... Je venais te demander si ça te disais de venir chez Tsubasa pour notre soirée, il y aura Fujisawa et j'aimerais tes... conseils.
SANAE •• Euh... Okay... Je te suis.

Ce n'était que Matsuyama. Mais dans ma tête, la scène resurgissait, me faisant trembler à nouveau. J'étais obsédé par cette silhouette, je savais que ce n'était pas Matsuyama et qu'il m'avait sauvé d'une agression, oh ça oui. Matsuyama était derrière moi alors que je me trouvais face à mon agresseur. Pendant tout le trajet, je ne cessais de trembler et Matsuyama s'éfforçait de me tenir fermemant contre lui malgré tout. Arrivant chez Tsubasa, je me détendis. L'atmosphère m'était famillière et je commençais à me calmer. Je ne doutais pas que Matsuyama s'en voulait et pendant toute la soirée, un lourd silence se magnifestait.

FUJISAWA •• Bon sang qu'es ce qui vous arrive à vous deux ?
SANAE •• Dequoi ? Mais rien...
TSUBASA •• Nan sérieusement il se passe quoi ?
SANAE •• MAIS RIEN BON SANG !

Je me levais d'un geste et sortais dehors pour prendre l'air. Cette fois-ci il faisait nuit noir et je ressentais à nouveau cette peur envoutante, tremblante et prétrifié par la peur, je fixais devant moi les arbres noirs que je ne distinguais pas. Puis Tsubasa arriva pour me prendre dans ses bras.

TSUBASA •• Je suis là, tout va bien, n'ai plus peur.
SANAE •• Merci...
TSUBASA •• Tu comptes tellement pour moi, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose.

SAMEDI, 8h50, DE NOS JOURS

Ce souvenir était graver dans ma mémoire pour toujours et je vous avouerais avoir été heureuse pendant les derniers instants que je passais avec eux, mes amis, mes anciens amis. Je n'ai pas vue Tsubasa depuis une longue et longue année. Il me semble que cela fait une éternité, pourtant une seule petite année est passé, une seule. Soupirant, je me levais de mon lit. Un souvenir devenu cauchemar pendant une nuit complète et pourtant je me réveille à une heure pas si matinale que cela. Doucement et surement, je marche sur la pointe des pieds pour éviter de réveiller mademoiselle la dormeuse, j'ai nommée Soramido Hollands, ma meilleure amie et confidente. Notre appartement est tel que nous vivons dans une résidence de la GEEK ROMA, bien entendu situé à Rome. Je regardais mon réveil : 8h50. Et merde encore quelques heures avant que la plupart des autres résidents ne décident de se lever et de me tenir compagnie, tant pis j'irais faire un tour dans la cour. Je m'habille tranquillement, repensant à mon cauchemar inattendu.

Vêtu d'un jean délavé, d'un t-shirt violet et d'un gilet blanc, je sortis de l'appartement en prenant soin de ne pas claquer la porte derrière moi. Direction la cour. Personne à l'horizon, géniale, je sens que tout va se passer au ralenti aujourd'hui. Ce n'est peut-être qu'une impression... Soupirant, je m'asseyais sur le premier banc venu, admirant le soleil pointant son bout du nez arrière les nuages blancs de l'automne venant. Je me souvenais de ce jour, c'était le même que celui de mon cauchemar sauf que j'étais le matin et qu'il n'y avais ni agresseur, ni Matsuyama, ni Tsubasa pour me réconforter. J'étais seule comme dans mon rêve sauf que le jour était là et qu'il me semblait être en sécurité. Pourquoi les souvenirs ressurgissent comme-cela ? C'est si... inattendu parfois, comme cette fois-ci.

La journée avait été longue. Jules avait flâné dans la ville, il avait passé la soirée avec des gens qu’il avait rencontré l’après-midi même, et était rentré tard dans la nuit jusqu’à la résidence. Son sommeil avait été agité. Il avait vu sa grande-sœur, étonnamment géante, l‘attraper avec des mains transformés en serres acérés et lui sourire avec des dents de lion. Fuyant il s‘était retrouvé dans son appartement de Biélorussie, mais avec Kaitlyn ce qui n‘était pas probable. Celle-ci était sorti de nulle part pour le menacer d‘un couteau, et alors il s’était de nouveau échappé, mais en sautant par la fenêtre cette fois.

Et c’est en ayant un mouvement compulsif, qu’il se retrouva brusquement au sol. Le choc lui fit ouvrir les yeux, et il se redressa vivement sur les coudes. Son regard fit le tour de la pièce, perdu, s’attendant peut-être à voir encore quelqu’un qui voulait le tuer, puis il soupira quand lui revint sa conscience, et passa une main dans sa tignasse aile de corbeau, refermant un instant les yeux. Un mal de crâne lui pesait jusque dans la nuque. Il se leva en s‘appuyant à la table de chevet, constatant qu’il était encore tout habillé. Retirant ses vêtements et les délaissant sur son lit, il prit une douche froide, sécha rapidement ses cheveux en les ordonnant quelque peu, puis s’habilla avec un jean noir, un tee-shirt bleu et finit par une grande veste grise.

Quand il regarda l’heure, il grogna. Il savait qu’il n’aurait pu se rendormir, mais Jules aurait largement préféré qu’il soit plus tard. Etouffant un énième bâillement, il avala une aspirine et se décida à sortir. Peut-être l’air frais du dehors allégerait son mal de tête, jusqu’à ce que le médicament fasse effet. Par gourmandise il pêcha dans son petit frigo un pot de glace à la vanille. Qu’il soit aux alentours de huit heures n’empêchait rien, et ce n’était pas lui qui prenait gare à sa ligne, il conservait toujours son poids plume peu importe ce qu’il mangeait et quand. Il descendit rapidement les escaliers, la cuillère entre les lèvres, et poussa la porte avec son dos. Le soleil venait fraîchement d’apparaître dans le bout du ciel, il faisait un temps léger, avec un peu de vent qui agita les mèches noires de Jules. Il resta un moment debout devant la porte, regardant le ciel, puis la cour, tout en pêchant avec sa cuillère dans la glace.

Quand son regard avisa une silhouette de profil plus loin, sur un banc, il s’immobilisa. C’était une jeune femme, ça il en était certain, mais il n’arrivait pas à dire s’il la connaissait. Haussant les épaules, il s’avança directement vers celle-ci. Peut-être attendait-elle quelqu’un, ou bien attendait-elle seulement que le temps passe. Il s’assit à côté, séparé de 20 centimètres d‘elle; car on ne sait jamais. Ses yeux bleus vrillés sur elle, il semblait analyser la situation comme s’il était perdu. C’était une asiatique, japonaise sûrement, ceux-ci avaient un visage plus proche des européens que les autres pays d‘Asie. Jules sembla s’apercevoir qu’il ne bougeait pratiquement plus et qu’il avait toujours sa cuillère dans la bouche, alors il la retira, et détourna la tête.

« Euh désolé, je me suis permis de m’asseoir. Je crois pas qu’on se connaisse hein ? De la glace ? »

En même temps qu'il posa sa dernière question d’une voix plus hésitante, il avait tendu son pot de glace à la vanille vers elle, d’un geste timide. Si ça se trouve elle allait le jeter, et lui dire de partir, auquel cas il partirait, oubliant cet épisode pour reprendre sa journée comme si de rien était. Peut-être lui avait-il fait peur ? Après un instant, il se rendit compte qu’il se questionnait inutilement, et cessa donc.